Les visites sanitaires d'élevages sont un élément clé de la surveillance et de l'amélioration de la santé publique vétérinaire en France. Depuis leur mise en place en 2005, ces visites sont devenues obligatoires dans plusieurs filières, dont la filière bovine, avicole, porcine, caprine, ovine et équine. Dans cet article, nous explorerons les enjeux, la méthodologie, les résultats et les défis liés à ces visites sanitaires, en mettant l'accent sur la perception des acteurs et les recommandations pour rendre le dispositif plus efficace.
Les visites sanitaires d'élevages ont été initialement lancées dans la filière bovine en 2005. Elles ont depuis été étendues à d'autres filières, telles que l'avicole, porcine, caprine, ovine et équine. Ces visites visent à sensibiliser les éleveurs à des thématiques d'intérêt en santé publique vétérinaire, de collecter des informations sur les élevages pour mieux connaître et protéger les filières, et de renforcer les liens entre les éleveurs, les vétérinaires sanitaires et l'administration. Elles sont réalisées par le vétérinaire sanitaire de l'élevage et sont entièrement financées par l'État.
La réalisation des visites sanitaires d'élevages repose sur une méthodologie spécifique. Dans un premier temps, le vétérinaire sanitaire réalise un bilan de l'élevage en collectant des informations épidémiologiques et en sensibilisant l'éleveur sur les priorités en matière de santé publique vétérinaire. Ces informations sont ensuite utilisées pour établir un plan d'action et des recommandations personnalisées pour chaque élevage. La fréquence des visites varie selon les spécificités de chaque filière, mais elles sont généralement réalisées de manière périodique, avec des rappels réguliers pour assurer un suivi continu de la santé animale.
Les visites sanitaires bovines ont été mises en place en 2005 et ont connu des taux de réalisation variables au fil des années. Initialement, les taux de réalisation étaient élevés, mais ils ont diminué progressivement au cours des campagnes suivantes. Ces baisses peuvent être attribuées à différents facteurs, tels que la vaccination contre la fièvre catarrhale ou une démobilisation des vétérinaires. Cependant, à partir de 2012, les taux de réalisation ont augmenté régulièrement pour atteindre un taux de réalisation de 92,27% en 2014. Malgré ces améliorations, les conclusions du rapport du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) soulignent une perception défavorable des visites sanitaires bovines par les acteurs de la filière.
Les éleveurs perçoivent les visites comme peu utiles, répétitives et chronophages. Ils estiment que les questionnaires ne sont pas adaptés aux spécificités de leurs élevages et que la visite est souvent perçue comme une simple formalité administrative. Les instances représentatives des éleveurs, telles que la Fédération Nationale des Groupements de Défense Sanitaire du Bétail (FNGDS) et la Fédération Nationale Bovine (FNB), partagent cette perception négative. Elles estiment que la visite sanitaire bovine ne répond pas aux objectifs d'épidémiosurveillance et qu'elle devrait être mieux exploitée pour une surveillance globale des élevages.
Les vétérinaires sanitaires, quant à eux, ont une vision plus positive des visites sanitaires bovines, mais soulèvent également des observations et des demandes d'évolution des objectifs et du questionnaire utilisé. Ils considèrent ces visites comme indispensables, en particulier pour les élevages qu'ils visitent rarement. Les instances vétérinaires, telles que la SNGTV, l'Ordre des Vétérinaires, le SNVEL(syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral) et la FSVF (fédération des syndicats vétérinaires français), estiment que la visite sanitaire bovine doit rester dans le cadre du mandat sanitaire et contribuer à la veille sanitaire. Cependant, elles soulignent également la nécessité d'une refonte du système pour mieux exploiter les données et faciliter l'accès à celles-ci.
Outre les visites sanitaires bovines, d'autres filières telles que l'avicole, porcine et équine ont également mis en place des visites sanitaires. Les taux de réalisation de ces visites sont souvent insuffisants, principalement en raison de la jeunesse de ces dispositifs et de la difficulté à mobiliser les acteurs concernés. Par exemple, les visites sanitaires avicoles ont un taux de réalisation de 74,75%, tandis que les visites sanitaires porcines sont encore récentes et ne permettent pas encore de tirer des conclusions significatives.
Le choix du vétérinaire sanitaire pour réaliser les visites est un aspect important du dispositif. Contrairement à d'autres pays où les visites sanitaires sont réservées à des vétérinaires désignés par l'administration, en France, la visite sanitaire est réalisée par le vétérinaire traitant de l'élevage. Cette relation bilatérale basée sur la confiance entre l'éleveur et son vétérinaire est essentielle pour le bon déroulement des visites. Cependant, la perception des visites sanitaires varie selon les spécificités de chaque filière.
Dans le cas des veaux de boucherie, les visites sanitaires peuvent être exclues si l'élevage fait partie d'une filière intégrée. Dans ce cas, le vétérinaire sanitaire est généralement désigné par l'intégrateur et les prestations sont codifiées par ce dernier. Pour l'élevage porcin, les exploitations sont généralement encadrées par des groupements ou des coopératives qui disposent de vétérinaires spécialisés chargés du suivi sanitaire des cheptels. Dans le cas de l'élevage avicole, la situation est plus complexe en raison de la diversité des espèces et des sensibilités aux maladies. Les vétérinaires sanitaires doivent être en mesure de transmettre efficacement le message de la visite sanitaire aux éleveurs.
Le rapport du CGAAER propose plusieurs recommandations pour améliorer les visites sanitaires d'élevages. Ces recommandations s'articulent autour de trois axes principaux: la redéfinition des objectifs, le pilotage et la mise en place d'indicateurs de suivi et de maîtrise, et la mise en œuvre pratique et le contrôle de l'exécution des visites sanitaires.
En ce qui concerne les objectifs, le rapport suggère que la visite sanitaire devienne un outil privilégié pour maintenir et renforcer la relation entre le vétérinaire, l'éleveur et l'administration. Il propose également de mieux exploiter les données disponibles pour une surveillance globale des élevages.
Pour le pilotage, il est recommandé de prendre en compte l'approche globale de la politique sanitaire à mener dans les élevages, en utilisant les données pertinentes disponibles. La création d'une équipe projet à la DGAL est suggérée pour assurer la maîtrise d'ouvrage des visites sanitaires et identifier des indicateurs permettant d'évaluer leur efficacité.
Enfin, pour la mise en œuvre pratique des visites sanitaires, le rapport propose des recommandations concernant la périodicité des visites, la rédaction de bilans opérationnels, l'opérationnalité du suivi informatique, le choix des thématiques et la formation des acteurs. Il souligne également l'importance de valoriser, contrôler et évaluer les bilans quantitatifs et qualitatifs des visites.
Les visites sanitaires d'élevages sont un outil essentiel pour la santé animale et la santé publique vétérinaire en France. Malgré quelques défis et des perceptions négatives de certains acteurs, ces visites jouent un rôle crucial dans la surveillance et l'amélioration de la santé des animaux d'élevage. Les recommandations du rapport du CGAAER visent à rendre le dispositif plus efficace et à renforcer la collaboration entre les éleveurs, les vétérinaires sanitaires et l'administration. En mettant en œuvre ces recommandations, la France pourra continuer à garantir la santé et le bien-être des animaux d'élevage.