Le métier de vétérinaire rural connaît un déclin ces dernières années en France. Moins de 17% des vétérinaires déclarent une activité pour les animaux d'élevage, selon une étude récente (Atlas démographique de la profession vétérinaire 2022). Ce résultat s'explique par plusieurs facteurs, tels que la baisse démographique des vétérinaires, le recul de l'élevage dans certaines régions et un modèle économique désuet. La médecine vétérinaire rurale est souvent plus contraignante et moins rémunératrice que l'exercice auprès des animaux de compagnie.
Les vétérinaires intervenant quotidiennement dans les élevages sont confrontés à plusieurs défis. Premièrement, une partie des ventes de médicaments leur échappe. En effet, les médicaments représentent environ 80% du chiffre d'affaires des vétérinaires ruraux. La mauvaise définition du cadre du suivi sanitaire permanent (SSP) en est la principale cause. Ce dispositif permet au vétérinaire responsable du suivi sanitaire de délivrer des médicaments à distance, sans examiner systématiquement les animaux. Cependant, le SSP ne précise pas que ce suivi doit être effectué par un seul vétérinaire, ce qui ouvre la porte à des prescriptions de médicaments par des vétérinaires éloignés des exploitations et qui ne réalisent qu'une visite d'élevage a posteriori, sans assumer les contraintes du suivi régulier du troupeau.
En outre, le prix des médicaments vétérinaires pousse certains éleveurs à se tourner vers des sources moins chères, parfois illégales. Certains agriculteurs se procurent des antibiotiques à des prix bien inférieurs chez des vétérinaires en dehors du territoire français, mettant ainsi en danger la santé animale et l'économie locale.
Face à ces défis, les pouvoirs publics ont entrepris une réflexion pour redéfinir le modèle vétérinaire rural. Un nouveau décret est en préparation afin de mettre en place un contrat de soin entre un seul vétérinaire traitant et l'éleveur. Ce contrat de soin garantira la permanence et la continuité des soins aux animaux d'élevage. Cependant, cela n'empêchera pas l'intervention d'autres vétérinaires sur place en cas de besoin. Parallèlement, le gouvernement va renouveler l'autorisation de la téléconsultation vétérinaire, expérimentée depuis mai 2020.
Les vétérinaires ruraux demandent également une révision de la rémunération des missions de service public qu'ils effectuent. En effet, l'amélioration de l'état sanitaire des troupeaux a entraîné une diminution des actes de dépistage de maladies, qui sont moins nombreux et moins rentables. Les vétérinaires souhaitent donc abandonner le paiement à l'acte et trouver un nouveau modèle de rémunération qui leur permette de maintenir leurs compétences sanitaires.
Pour pallier le manque de vétérinaires ruraux, des mesures sont mises en place pour attirer les jeunes diplômés vers cette profession. Une partie des étudiants en médecine vétérinaire provient de milieux urbains et n'est pas adaptée pour répondre aux besoins des éleveurs. Afin de remédier à cette situation, les écoles vétérinaires augmentent le nombre de places destinées aux profils venant de filières agricoles ou universitaires, car ces étudiants sont plus susceptibles de s'installer durablement en milieu rural. Par ailleurs, le recrutement via la plateforme Parcoursup est modifié pour prendre en compte l'origine et la proximité des étudiants avec le monde rural lors des entretiens oraux.
Dans le cadre du plan de renforcement de la profession vétérinaire, l'objectif fixé pour 2030 est une répartition équitable des entrées en école vétérinaire entre Parcoursup, les classes préparatoires (concours A) et les BTS agricoles (concours B, C et D).
Un autre aspect à prendre en compte pour attirer les jeunes vétérinaires en milieu rural est la perception du rapport client-éleveur. Les jeunes vétérinaires peuvent être découragés par les contraintes de permanence et de continuité des soins, notamment lorsqu'ils doivent assurer des gardes en milieu rural. Pour ne pas condamner les zones à faible densité d'élevage, il est possible d'adopter un modèle mixte, à la fois pour les cabinets vétérinaires et pour les vétérinaires eux-mêmes. Cela permettrait d'équilibrer l'activité entre la clientèle mixte (animaux de compagnie) et la clientèle rurale (animaux d'élevage).
L'avenir des vétérinaires ruraux dépendra en grande partie des mesures mises en place pour attirer les jeunes diplômés vers cette profession et pour assurer une meilleure rémunération des missions de service public. La rédaction d'un nouveau décret encadrant le suivi sanitaire permanent et la mise en place d'un contrat de soin entre le vétérinaire traitant et l'éleveur sont des premières étapes importantes. Il sera également essentiel de valoriser le métier de vétérinaire rural et de montrer aux jeunes diplômés les avantages et les opportunités qu'il offre, tant sur le plan professionnel que personnel.
En conclusion, la réinvention du modèle vétérinaire rural est essentielle pour assurer le maintien des soins vétérinaires de qualité auprès des animaux d'élevage. Il est primordial d'attirer les jeunes vétérinaires vers cette profession en proposant des mesures incitatives et en mettant en place un modèle économique plus adapté. L'avenir des vétérinaires ruraux dépend de la capacité à trouver des solutions innovantes et durables pour répondre aux défis actuels et futurs de l'élevage.