Les zones rurales sont désertées par les vétérinaires. Comment attirer des compétences dans les campagnes et assurer un meilleur service pour les éleveurs ? Réponses dans un rapport remis au ministre de l'Agriculture et piloté par Jacques Guérin, président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires.
Le constat est sans appel : il y a une réelle difficulté à maintenir un niveau acceptable de maillage vétérinaire pour les éleveurs. C'est ce que confirme le rapport que Jacques Guérin, président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, a remis en mars à Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture. « Il y a urgence à agir », indique-t-il dès sa préface. L'étude est la synthèse de l'appel à manifestation d'intérêt, AMI, lancé par plusieurs organisations agricoles et vétérinaires* début 2022. Il a été mené sur onze territoires, dont certains sont en situation de crise ouverte comme la Région Ile-de-France, le département de la Sarthe ou Thionville en Moselle.
Les auteurs recommandent d'activer d'abord des dispositifs existants, comme l'investissement dans l'accueil d'étudiants en stages au sein des entreprises vétérinaires ou le développement de solutions de logements à destination des stagiaires de longue durée et des jeunes vétérinaires nouveaux arrivants dans une région, bien au-delà de l'hébergement à la clinique dont les limites ont été identifiées. La mise en place d'un véritable service de conciergerie représente une autre initiative prometteuse, selon le rapport. Par ailleurs, plusieurs territoires proposent de mieux articuler les vétérinaires de « première ligne » avec des vétérinaires « consultants » disposant de compétences plus spécifiques, soit via un dispositif classique de référé avec intervention du consultant sur site, soit en mobilisant les outils de télémédecine. Les auteurs pointent également le fait que le prix du médicament constitue une source d'insatisfaction des éleveurs dans le relation avec leur vétérinaire : « c'est une priorité si l'on veut éviter une marginalisation et un décrochage de compétitivité de l'activité productions animales au sein de l'entreprise vétérinaire », insistent-ils.
En dehors du renforcement de ces solutions, les auteurs préconisent la création d'une structure de gouvernance à la fois à l'échelon local, départemental ou régional, et national. Elle devrait, selon eux, concilier une approche paritaire, associant les organisations agricoles et vétérinaires, tout en ménageant des points d'entrée plus spécifiquement vétérinaires pour permettre aux entreprises de partager leurs difficultés.
Plusieurs solutions de mutualisation ont par ailleurs été proposées ; une simple, entre entreprises voisines, notamment en ce qui concerne la continuité des soins, et une plus drastique lorsque le maillage est très dégradé. Trois propositions d'aides directes ont également été identifiées : une aide au déplacement des éleveurs isolés et éloignés de leur vétérinaire ; une aide au maintien de points de continuité de soins, ciblée sur la prise en charge du coût des astreintes ; des aides pour des équipements en matériels ou installations de contention au profit d'ateliers d'élevages plus petits ou moins bien structurés. Enfin l'organisation d'un lieu d'échange professionnel et social entre jeunes vétérinaires ruraux, éventuellement lié aux organisations de jeunes agriculteurs, apparaît comme pertinente, selon le rapport.
Quid de la télémédecine et la contractualisation ? Elles peinent clairement à convaincre vétérinaires comme éleveurs. La télémédecine est résumée à un concept flou ou à la seule téléconsultation qui ne génère pas d'enthousiasme. Les possibilités offertes par les autres modalités ne sont presque jamais citées comme la téléexpertise, la télérégulation ou la téléassistance. La contractualisation est, elle, souvent réduite au conventionnement. Pourtant, plusieurs types de contractualisation permettraient de donner une visibilité aux deux parties sur les contenus techniques et les prix. Les auteurs préconisent ainsi la mise en place d'études pilotes ciblées et méthodologiquement cadrées pour évaluer des dispositifs existants, et tester des solutions nouvelles.
*Chambre d’agriculture France, le syndicat majoritaire agricole FNSEA, GDS France, le SNVEL, la SNGTV et le Conseil national de l’ordre des vétérinaires